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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 09:23

Les païens aux chrétiens : votre nom vous comdamne

 

Au cours du Ier siècle seulement une de « superstition nouvelle maléfique de progresser par un groupe de gens appelés « chrétiens » (Suétone, « Vie de Néron » 16,2).

« Superstition », donc caricature de religion, mettant celle-ci en danger. « Nouvelle », donc menaçantes pour la stabilité de l’ordre de l’État. « Maléfique », c’est-à-dire malfaisante de plus ou moins apparentés à la. Or Rome se méfie terriblement de la magie.

Pour l’historien Suétone, la lutte contre cette « superstition » fait partie des mesures prises par Néron contre le désordre, de quelque nature qu’il soit : ces mesures contre la limitation du luxe jusqu’à la mise à l’écart des mimes en même temps que de leurs partisans, et celles qui visent les chrétiens se trouvent entre la réglementation des denrées servies dans les cabarets et la répression des abus ayant pour origine les conducteurs de quadrige !

Tout il ne s’agit donc pas de défendre la religion païenne en tant que tel. Tacite nous révèle d’ailleurs que le but de l’empereur est essentiellement son populaire lui attribuant l’incendie de Rome de cette année 64. Mais Tacite finit lui aussi par légitimer les mesures prises contre les chrétiens en invoquant les exigences générales du maintient de l’ordre :

« Réprimée sur le moment (sous le principat de Tibère), cette funeste superstition percait de nouveau, non pas seulement en Judée, ou le mal avait prit naissance, mais encore dans Rome ou tout ce qu’il y a d’affreux ou de haut dans le monde influe et trouve une nombreuse clientèle »(Annales » XV, 44). N’était-il pas naturel d’essayer malgré tout de préserver la capitale du danger ?

Mais quel est le danger ? Ni Tacite ni Suétone ne précisent pour quels « crimes » sont châtiés les chrétiens. On se contente de dire que « ces crimes font détester ceux que la foule appelle chrétiens ». Le seul nom de chrétiens suffit à les faire soupçonner d’être capable de tout.

C’est bien, en tout état de cause, ce qui ressort de la fameuse lettre envoyée près d’un demi-siècle plus tard à l’empereur Trajan par Pline le Jeune, alors gouverneur de la province de Bithynie.

« Je me demande, écrit-il, si l’on punit le seul nom de chrétiens, en l’absence de crimes, ou (si l’on punit) les crimes qu’implique le nom ».

La réponse de l’empereur est passablement ambiguë : il ne faut pas accepter les dénonciations anonymes faites à l’encontre des chrétiens ; néanmoins « il faut condamner » toute personne « convaincue » de données dans cette superstition et qui n’accepte pas de la renier en sacrifiant aux dieux. Conclusion pratique, tout à fait en accord avec la manière d’agir de Pline : il suffit de s’affirmer nommément chrétien pour être condamné.

Une dizaine d’années plus tard, le rescrit de l’empereur Hadrien au proconsul d’Asie Minucius Fundamus va toujours dans le même sens : le « nom chrétien » fait de celui qui le porte un criminel ; par contre, la calomnie ne peut être acceptée comme arme contre les chrétiens et doit être sévèrement réprimé :

« Si quelqu’un accuse les chrétiens et prouve qu’ils agissent contrairement aux lois, décide selon la gravité de la forte. Mais, par Hercule ! Si quelqu’un allègue cela par calomnie, prononce un verdict sur sa criminelle conduite et aie le soucie de la punir ».

Décidément le problème n’est pas simple : d’une part on condamne le « nom criminel », d’autre part on oblige les accusateurs à prouver les crimes de ceux qui se disent chrétiens ! La porte est ainsi ouverte à toutes les attitudes, des plus tolérantes aux plus répressives. Cette diversité de traitement des chrétiens et d’ailleurs aussi bien le fait de magistrats que le fait du peuple. Ce qui nous amène tout naturellement à essayer de passer contradictoirement en revue les griefs précis imputés aux chrétiens et les répliques non moins précises de ceux-ci.

 

Réponse de Trajan à Pline :

"Mon cher Pline, tu as suivi la conduite que tu devais dans l'examen des causes de ceux qui t'avaient été dénoncés comme chrétiens. Car on ne peut instituer une règle générale qui ait pour ainsi dire une forme fixe. Il n'y a pas à les poursuivre d'office. S'ils sont dénoncés et convaincus, il faut les condamner, mais avec la restriction suivante : celui qui aura nié être chrétien et en aura par les faits eux-mêmes donné la preuve manifeste, je veux dire en sacrifiant à nos dieux, même s'il a été suspect en ce qui concerne le passé, obtiendra le pardon comme prix de son repentir. Quant aux dénonciations anonymes, elles ne doivent jouer aucun rôle dans quelque accusation que ce soit ; c'est un procédé d'un détestable exemple et qui n'est plus de notre temps."

apologetica                            

 

Les chrétiens aux païens : Notre nom ne suffit pas à nous condamner

 

Tertullien : Le rescrit de Trajan à Pline est contradictoire dans les termes.

« Trajan répondit ( à Pline) que les gens de cette sorte ne devaient pas être récherchés, mais que, s’ils étaient différés au tribunal, il fallait les punir. Oh ! l’étrange sentence, illogique par nécessité ! Elle dit qu’il ne faut pas les rechercher, comme s’ils étaient innocents, et elle prescrit de les punir, comme s’ils étaient criminels ! Elle épargne et elle sévit, elle ferme les yeux et elle punit. »

(« Apologétique » II, 7-8)


Justin : Un nom n’est ni bon ni mauvais.

« Un nom n’est ni bon ni mauvais : il faut juger les actes qui s’y rattachent. A ne considérer que ce nom qui nous accuse, nous sommes les meilleurs des hommes. Nous ne pensons pas qu’il soit juste de prétendre être absous sur notre nom seul, si nous sommes convaincus de crime ; mais en retour, si, dans notre nom et notre conduite, on ne trouve rien de coupable, votre devoir est de faire tous vos efforts, pour ne pas être répréhensibles en justice en punissant injustement des innocents ! »

(« Première Apologie » 4)

 

Athénagore : Quoi qu’on dise, nous comdamner sur notre « nom » fait l’affaire des délateurs

… « Nous, qu’on appelle chrétiens, vous ne prenez aucun soin de nous ; et, bien que nous ne commettions pas d’injustice, mais que nous nous conduisions de la manière la plus pieuse et la plus juste – comme la suite le montrera – tant à l’égard de la divinité qu’à l’égard de votre empire, vous permettez qu’on nous poursuive, qu’on nous enlève, qu’on nous chasse ; que la plupart nous combattent à cause de notre nom seul. Nous oserons pourtant vous manifester ce qui nous concerne : notre discours vous prouvera que nous souffrons injustement, contre toute loi et contre toute raison ; et nous vous demandons d’examiner en notre faveur le moyen de n’être plus les victimes des délateurs ».

(« Suplique au sujet des chrétiens » I)

 

Tertullien : Haïr notre « nom », c’est faire l’aveu de votre ignorance et de votre impuissance.

« Voici donc le premier grief que nous formulons contre vous : l’iniquité de la haine que vous avez du nom chrétien. Le motif qui paraît excuser cette iniquité est précisément celui qu’il aggrave et qu’il a, à savoir votre ignorance. Car quoi de plus inique que de haïr une chose qu’on ignore, même si elle mérite la haine ? En effet, elle ne mérite votre haine que si vous savez si elle la mérite. Si la connaissance de ce qu’elle mérite fait défaut, comment prouver que la haine est juste ? Cette justice, en effet, ne peut se prouver par l’événement, mais par la certitude intime. Quand donc les hommes haïssent parce qu’ils ne connaissent pas l’objet de leur haine, pourquoi cet objet ne serait-il pas tel qu’ils ne doivent pas le haïr ? Par conséquent, nous confondons à la fois leur haine et leur ignorance, l’une par l’autre : il reste dans l’ignorance, parce qu’ils agissent, et ils haïssent injustement, parce qu’ils ignorent ».

(« Apologétique » I, 4-5)

 

Sans même vous en rendre compte, vous reconnaissez la vertu du nom chrétien.

…  « La plupart ont voué à ce nom de chrétien une haine si aveugle qu’ils ne peuvent rendre à un chrétien un témoignage favorable sans y mêler le reproche de porter ce nom. « C’est un honnête homme, dit l’un, que Gaius Seius ; quel dommage qu’ils soient chrétiens ! » Un autre dit de même : « pour ma part, je m’étonne que Lucius Titius, un homme site éclairé , soit tout à coup devenu chrétien. » Personne ne se demande si Gallus n’est honnête et Lucius éclairé que parce qu’ils sont chrétiens, ni s’ils ne sont pas devenus chrétiens parce que l’un est honnête et l’autre éclairé ! On lourd en ce que l’on connaît, on blâme ce que l’on ignore, et, ce que l’on connaît, pour l’attaque à cause de ce que l’on ignore.

(« Apologétique » III, 1-2)

 

Théophile d’Antioche : notre « nom » et béni.

« Quant à la façon dont tu te moques de moi en m’appelant « chrétiens », tu ne sais pas ce que tu dis. D’abord, ce qui est oint est agréable, utile, et n’a rien de ridicule. Est-ce qu’un navire peut être utilisé, peut être sauf avant d’être oint ? Est-ce qu’une tour, une maison, possède de belles apparences et offre bon d’usage tant qu’elles ne sont pas ointes ? L’homme qui arrive en cette vie, ou qui va lutter, ne reçoit-il pas l’onction d’huile ? Quelle œuvre d’art, quelle parure, peut flatter l’œil sans être oint et rendu brillantes ? L’air enfin, et toute la terre Subcéleste sont pour ainsi dire oints par la lumière et le souffle. Et toi, tu ne veux pas recevoir l’onction de lui le divine ? Pour nous, c’est là l’explication de notre nom de chrétiens : nous sommes oints par l’huile de Dieu. »

(« A. Autolycos » I, 12)

 

Source : 2 000 ans de christianisme, éd. Livre de Paris Hachette

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